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[080] Visite du dispositif expérimental Patuchev

[080] Visite du dispositif expérimental Patuchev

Rencontre avec les chercheurs mobilisés sur Patuchev et présentation des résultats autour des prairies multi-espèces, du pâturage, de la qualité du lait, de la valeur alimentaire du foin. Approche technico-économique des systèmes mis en place à Patuchev.

En 2013, L’Inra a mis en place l’expérimentation-système PATUCHEV à Lusignan (UE FERLUS) avec pour objectif de répondre à la question : quels types de systèmes d’élevages permettraient une meilleure autonomie en intrants sous contrainte de production ? Cette démarche associe la recherche de la performance économique, environnementale et sociale pour concevoir des élevages de chèvres laitières innovants. L’enjeu est de maximiser la part d’herbe, pâturée ou en foin, dans l’alimentation des chèvres pour une agriculture préservant les ressources et respectueuse de l’environnement. La démarche consiste à évaluer sur le long terme trois systèmes, représentés chacun par un troupeau de 60 chèvres de race Alpine et 10 hectares de surface fourragère : un troupeau avec une période de reproduction saisonnée (mise bas en février) pâturant, et deux troupeaux avec une période de reproduction en contre-saison (mise bas en septembre) : l’un pâturant et l’autre élevé en chèvrerie et alimenté à base de foin ventilé. Selon le système, la surface fourragère est répartie entre 7 ha de prairies et 3 ha de méteils récoltés en grains (systèmes pâturants) ou 6 ha de prairies et 4 ha de méteils (système bâtiment). L’évaluation porte sur les composantes biotechniques, socio-économiques et environnementales du système d’élevage, à travers une approche multicritère.

L’herbe : un atout pour les élevages caprins du Grand Ouest

Depuis 2015, les acteurs de la recherche (Inra, Université de Poitiers et Agrocampus Ouest), du développement (Institut de l’élevage, Actalia, Chambres d’agricultures) et de la formation (EPL Terres et Paysages de Melle et Agrocampus Ouest) se mobilisent dans le cadre du projet Flèche financé par le PSDR 4 Grand Ouest pour comprendre la place et le niveau de valorisation de l’herbe dans les systèmes caprins, d’en déterminer les avantages et les freins techniques et sociologiques, et d’apporter des références scientifiques et techniques sur son utilisation. Ce projet co-porté par l’interprofession régionale caprine (BRILAC) et qui se terminera en 2020 vise à accompagner les éleveurs dans l’évolution de leurs pratiques grâce à des connaissances et des solutions techniques adaptées au contexte du Grand Ouest.

L’importance du choix de la prairie et de connaître sa valeur alimentaire

De nouvelles connaissances sur le pâturage des chèvres ou les qualités nutritionnelles du lait et des fromages, ou encore de nouvelles pratiques comme l’utilisation de prairies multi-espèces ou le séchage du foin en grange, ont pu être acquises dans le cadre du projet Flèche, et du projet Capherb, piloté par l’Institut de l’élevage. L’herbe est la ressource fourragère la plus naturellement adaptable aux différentes conditions pédo-climatiques et permet d’améliorer l’autonomie alimentaire grâce à son équilibre en énergie et protéines. Cependant, pour optimiser son utilisation, il est indispensable de mesurer d’une manière fiable, rapide et peu coûteuse sa valeur alimentaire. Ainsi, une équipe de l’Inra de Lusignan (URP3F) a utilisé les échantillons d’herbe (fraîche ou en foin) générés sur le dispositif Patuchev depuis 2013 pour contribuer à des équations de prédiction de la composition biochimique et botanique à l’aide de spectres dans le proche infra-rouge. La diversité des échantillons fournis a permis de recalibrer les équations existantes sur du fourrage frais et de confirmer que celles-ci étaient également utilisables sur du fourrage sec. De manière complémentaire, des suivis réalisés chez des éleveurs caprins du réseau REDCap ont permis d’améliorer les connaissances sur l’utilisation et la valorisation des prairies multi-espèces par les chèvres.

Des niveaux élevés d’ingestion d’herbe au pâturage

Des travaux menés à l’Inra de Rennes et sur le dispositif Patuchev ont permis de déterminer l’effet des pratiques et donc de prévoir l’ingestion des chèvres au pâturage. Des essais méthodologiques pour quantifier l’herbe ingérée, ainsi que des essais factoriels sur le temps d’accès aux parcelles (4 à 13 h par jour), la quantité d’herbe offerte (1,5 à 3,5 kg de matière sèche/jour/chèvre) ou l’accès à des abreuvoirs au pâturage ont permis de déterminer qu’une chèvre était capable d’ingérer en moyenne 1,8 kg de matière sèche d’herbe en 9 h d’accès (7 h de pâturage par jour). Ainsi, avec un complément de 730 g de concentrés et déshydratés, une chèvre d’environ 50 kg et à 80-90 jours de lactation a été en mesure de produire en moyenne 3,3 kg de lait par jour. Ces références sur la valorisation de l’herbe par la chèvre laitière constituent les premières mesures individuelles d’ingestion et de comportement alimentaires des caprins au pâturage sur prairies cultivées en France. Elles permettent d’apporter des équations spécifiques aux modèles existants chez les vaches laitières pour prédire les réponses des chèvres laitières aux différents facteurs de gestion du pâturage.

Du lait et des fromages de chèvre appréciés par les consommateurs

Enfin, la mobilisation de l’ensemble des acteurs de la filière a permis, au travers du suivi de 29 élevages caprins du Grand Ouest et d’une étude sur le dispositif Patuchev entre 2015 et 2017, d’apporter des connaissances nouvelles sur la valeur nutritionnelle du lait et des fromages de chèvre, selon le mode de valorisation de l’herbe. Une équipe du centre Inra Auvergne-Rhône-Alpes (UMRH) a ainsi mis en évidence que les teneurs du lait en acides gras saturés diminuent avec la part d’herbe fraîche et que les teneurs en acide alpha-linolénique (oméga 3) n’étaient pas différentes entre les régimes à base d’herbe pâturée ou conservée sous forme de foin. L’herbe fraîche permet d’augmenter les teneurs en vitamines A et E du lait de chèvre améliorant ainsi sa qualité nutritionnelle. Concernant les fromages, l’institut technique Actalia Produits Laitiers a mis en évidence que, quel que soit le système alimentaire, l’ensemble des laits ont de bonnes aptitudes à la transformation fromagère et que les acides gras d’intérêt du lait sont préservés dans le fromage. Des tests de consommateurs confirment que les qualités sensorielles sont très appréciées pour l’ensemble des fromages et que des notes chèvrerie, animal, et chèvre sont plus prononcées pour les fromages fabriqués à partir de " laits de pâturage".

Des résultats technico-économiques contrastés selon les systèmes lors des premières années

Une approche technico-économique des 3 systèmes étudiés à Patuchev a été réalisée sur la période 2015 à 2017, à l’aide de l’outil Diapason de l’Institut de l’élevage. Les objectifs d’autonomie alimentaire (> 80 %) sont atteints pour les 3 systèmes grâce une utilisation modérée de concentrés dans la ration (282 kg en moyenne /chèvre/an) permettant ainsi de valoriser davantage de fourrage (67 % de la ration en moyenne). Malgré une production laitière inférieure à l’objectif (646 L/chèvre/an), la quantité de concentrés utilisés reste faible (437 g/L de lait) réduisant ainsi considérablement le coût de l’alimentation, et tout particulièrement pour le système saisonné conduit au pâturage (388 g/L). En complément de ce suivi, l’utilisation de l’outil Cap’2ER® démontre le faible impact environnemental des 3 systèmes étudiés dans l’expérimentation-système Patuchev et leur contribution notable au stockage du carbone. Dans un contexte d’une plus grande volatilité des coûts de production, notamment des charges alimentaires et énergétiques, le développement d’élevages caprins plus autonomes et économes est impératif. L’utilisation et la valorisation des prairies constituent un potentiel de développement économique, environnemental et social des systèmes laitiers caprins du Grand Ouest pour pérenniser l’élevage de chèvres et la production de leurs fromages, ainsi que conforter l’image positive par le consommateur sur ce type de systèmes de production. Intervenants : Philippe Barre, Rémy Delagarde, Anne Ferlay, Benoit Ranger, Hugues Caillat (Inra), Patrice Gaborit (Actalia-Produits Laitiers)